Je suis Médiateur Numérique

par Médiateur Numérique
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Cropped internet cyberspace 1

Cela fait dix ans que je suis en poste. Avant, j’étais animateur multimédia, maintenant, je suis médiateur numérique. Expliquer la différence entre ces deux terminologies pourrait surement faire l’objet d’un débat. À juste titre, d’autres diront qu’ils sont Animateurs Socio-numérique, mais disons-le sans détours, médiateurs numériques, c’est moins parlant que chauffeur de bus. Aussi, je vais essayer de répondre à cette question simple qu’on me pose souvent : c’est quoi ton boulot au juste ?

Réduire la fracture numérique

À regarder ma fiche de poste, ma première des missions consiste à réduire la fracture numérique. Cette mission se traduit dans les faits en trois aspects : Offrir un accès aux outils, accompagner aux usages, développer une culture numérique. Les trois aspects sont indissociables, on ne peut se contenter de ne couvrir qu’un seul des aspects.

La notion d’accompagnement est la clef de voûte du médiateur numérique. En effet, l’accompagnement repose sur l’humain et c’est cet accompagnement qui va permettre à notre écosystème de prendre du sens. Accompagner qui ? Pour aller où ? En partant de quel point ?

D’une manière théorique, le rôle de médiateur numérique consiste à accompagner tous les publics dans tous les usages du numérique. Juste dans son intitulé, le champ des possibles est extraordinaire. Quand les Espaces numériques ont ouvert il y a vingt ans, les utilisateurs venaient surtout parce qu’internet n’était pas démocratisé (peu de réseau, coût important). Aujourd’hui 85 % de la population est équipée d’un ordinateur connecté à internet à domicile, le problème de l’accès est moindre même s’il persiste toujours. Notons d’ailleurs que les personnes n’ayant pas d’accès (que d’une manière large, j’appellerais les déconnectés) cumulent en plus d’autres problématiques, je vais y venir. À titre personnel, la fracture d’équipement que je vois le plus est celle concernant les périphériques (imprimantes et scanner). J’ai des usagers qui ne viennent que pour imprimer ou scanner des documents.

Mais revenons maintenant sur les déconnecter. Cette population est le plus souvent composée des individus qui sont dans des situations fragiles. Le non-accès à l’outil n’est qu’un problème de plus à une situation complexe. En voici un exemple.

Magda.

Magda est Polonaise et est hébergée dans un CHRS, à savoir un Centre d’Hébergement et de Réinsertion Sociale pour femmes. 90 % des femmes présentes dans cet établissement sont des femmes battues en procédure avec leur conjoint. Beaucoup ont des enfants. Magda a un français approximatif, mais cela reste compréhensible (enfin par rapport à d’autres). Elle est évidemment suivie par un travailleur social. Comme de bien entendu, l’établissement ne possède pas d’accès à Internet pour ses résidents et c’est chez nous qu’elle vient soit pour une consultation classique, soit pour une consultation relevant de sa situation particulière. Eh bien sûr, le travailleur social qui la suit ne l’accompagne pas obligatoirement à l’EPN… Alors que le numérique occupe une place prépondérante dans notre société et qu’il peut accroître les situations d’exclusion, il n’est que très peu utilisé par les professionnels du secteur social.

Quand Magda vient, on lui procure un accès à internet. Mais on doit aussi l’accompagner dans ses usages. Si l’idée lui vient de faire une démarche dans une administration (et évidemment, c’est le cas) et bien, c’est à nous de l’accompagner là-dedans. Globalement, avec l’expérience, j’ai une certaine habitude des démarches administratives courantes. Faire une demande de casier judiciaire, s’inscrire sur Pôle Emploi, récupérer une attestation de la CAF sont des démarches que j’ai effectuées des centaines de fois, et parfois avec l’appui des professionnels du secteur concerné.

Mais de plus en plus, les démarches sont complexes, et l’accompagnement de l’usager relève bien plus des missions de travailleur social que de spécialiste des usages numériques. Expliquer comment envoyer un courriel est une chose. Envoyer un courriel à la Banque de France à propos d’un dossier de surendettement pour expliquer que la situation a changé et que l’on souhaite que le dossier soit examiné à nouveau, en est une autre…

Quand on aura fini avec Magda, on s’occupera de Jean-Claude qui veut acheter un billet sur Esay Jet, de Bernadette qui n’arrive pas à télécharger une application sur sa tablette, de Mohammed qui veut mettre à jour son GPS, de Hocine qui aimerait connaître les formules d’Excel, de Bruno qui cherche un pluggin pour son blog WordPress, de Zahia qui ne comprend pas comment fonctionne la Leapfrog de sa gamine, de la CPE du Collège d’à côté qui voudrait qu’on parle d’identité numérique aux 6ème, du journaliste qui nous questionne sur les métiers du numérique dans notre territoire, de la personnalité publique qui a un souci avec sa page Facebook, du responsable associatif qui se demande ce qu’on pense de Mailchimp, du militant d’une autre association qui voudrait qu’on vienne parler bien communs dans une conférence, de la collègue de bureau qui a planté son ordinateur, du toner de l’imprimante à changer et si on peut faire le café au passage ce n’est pas plus mal !

Bien entendu, j’aurais aussi été sollicité par des gars qui veulent monter un fablab et qui cherchent des contacts, des entrepreneurs du web qui s’interrogent sur le coworking, un foyer de personnes en situation de handicap mental qui se demande comment intégrer le numérique dans sa pratique professionnelle, de mon voisin de la médiathèque qui veut mettre en place une bibliobox, de l’enseignant innovant qui me demande si je ne peux pas acheter des Thymio4 pour les utiliser avec Scratch, de Pôle Emploi, qui souhaite savoir si on peut faire du Linkedin dans mon EPN, de mon contact Twitter qui veut des infos sur une expérimentation autour de la dataviz, du passionné qui veut organiser une manifestation de retro Gaming dans le coin et j’en oublie surement.

Nous n’abordons pas tous les mêmes problématiques et pas tous sur le même angle. Il y a des dizaines d’ateliers, animations, conférences faîtes par mes collègues que j’aimerais reproduire. Beaucoup d’entre nous s’inscrivent dans une démarche dite de « médiation numérique », c’est ainsi que nous nous réunirons dans quelques jours à Caen dans le cadre des Assises Nationales de la Médiation Numérique. Il me semble que notre démarche de Médiation Numérique consiste à remettre l’humain au centre du processus. Quelles que soient les innovations, les infrastructures déployées, les procédés imaginés, le médiateur numérique se caractérise en centrant sa posture sur les besoins des citoyens.

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